
Pour Liu Zhibai, « la méthode », cela correspond au cheminement suivant : « il faut étudier la peinture pour pouvoir en arriver à avoir une méthode ; or, il faut savoir que trouver sa propre méthode n’est pas simple, il faut faire beaucoup d’efforts. Le succès d’une telle méthode, on ne peut pas l’atteindre qu’avec la sagesse d’une ou deux personnes ; il faut savoir se précipiter pour remplacer les artistes d’hier, se creuser la cervelle, accumuler la cristallisation de la sagesse, et ainsi de suite. C’est cela que j’appelle les premiers points essentiels de méthode. » Tous les grands maîtres ont des méthodes issues d’un ou plusieurs artistes, et c’est ainsi qu’on devient à même de bien maîtriser le domaine et qu’on parvient ensuite au succès. Un bon artiste doit être un bon observateur et imiter les grands maîtres du passé, c’est cela les fondements les plus essentiels d’une bonne « méthode ». Cependant, il ne faut pas faire de la méthode d’un tiers LA méthode à suivre ; « étudier la peinture implique d’avoir une méthode, mais il ne faut pas étudier à s’en perdre, ni tomber dans le narcissisme artistique. On récolte ce que l’on sème, donc il faut travailler extrêmement dur. L’art implique des compétences complexes ; l’expérience fait le maître, après on peut faire ce que l’on veut. Celui qui souhaite réussir en un essai, qui utilise son pinceau, son encre et son intention avec en tête ce seul objectif, est déraisonnable. Nos prédécesseurs ont fait des recherches, ont étudié la peinture et la calligraphie, se sont appliqués à suivre des leçons tous les jours, puis ont fait tout leur possible pour faire rapidement des progrès. Notre génération doit suivre cet exemple. Je pense que ce n’est qu’en respectant les méthodes des anciens que l’on peut élaborer sa propre méthode. » Ici, on peut faire la distinction entre les méthodes de nos prédécesseurs et nos propres méthodes. On peut donc dire qu’on a le choix entre « suivre les prédécesseurs » ou « suivre sa propre conception des choses ». Cependant, Liu Zhibai pense qu’il faut passer par les prédécesseurs pour devenir des successeurs et qu’au final, si l’on « suit les prédécesseurs », c’est pour « se suivre soi-même ».

Le succès passe par les deux étapes précédentes. « Lorsqu’on sait déjà distinguer clairement la relation entre la « méthode » et l’« observation (des anciennes méthodes) » dans les domaines de la peinture et de la calligraphie, il faut alors travailler dur et vraiment mettre en pratique ses compétences. Une fois qu’on a une méthode, on peut progresser rapidement et on peut réellement saisir à quel point l’observation d’une méthode est le facteur le plus précieux de tout le processus ; la clé est donc de ne pas s’égarer sur la mauvaise voie et de s’évertuer à poursuivre la philosophie des anciens ; ce n’est qu’en utilisant les diverses méthodes de ces derniers, en les combinant et en les appliquant, qu’on peut devenir un artiste ayant une parfaite maîtrise de ses méthodes et de ses outils. »
Liu Zhibai a connu une véritable transition au cours de sa carrière, passant ainsi du gong (功) du terme effort (功夫, gōngfū) au gong (攻, attaque) du terme innovation. On dit souvent en Chine « 攻守平衡 » (Gōngshǒu pínghéng), l’offensive-défensive amène à l’équilibre : la défense est vraiment devenue la base de l’attaque, et seule l’attaque peut être étendue, avec au centre, comme clé de voûte, l’art appliquant la combinaison des méthodes. Ce n’est qu’en prenant en compte ce tout, que l’on peut devenir soi-même à la fin, que l’on peut avoir son propre style de calligraphie ou de peinture.
« Le changement », c’est la plus haute phase artistique ; « si la méthode n’est pas encore obtenue et si l’accomplissement n’est pas non plus profond, alors comment le changement peut-il émerger ? » Cependant, cela ne veut absolument pas dire que tous les artistes peuvent atteindre cette phase : « supposons que les conditions ci-dessus aient toutes été dites ; l’apprenant peut tout parvenir à faire, c’est-à-dire qu’il peut connaître les règles dont il est question et espérer, au cours de la longue période de ses études, accomplir un travail de base l’esprit en paix ; ce n’est qu’après cette étape qu’il pourra discuter du principe du mot « changement ». Le terme « changement », ici, comprend la notion de transformation, ainsi que celle de changement de nature ; cette première renvoie à la fusion des méthodes de peinture de plusieurs artistes, tandis que cette dernière nous amène à l’idée de changer le monde et la nature pour qu’ils ne fassent plus qu’un.

Après avoir étudié le Précis de peinture du Jardin du grain de moutarde (芥子园画谱), Liu Zhibai est entré dans la phase de « méthode », où il stagnera jusqu’aux années 90, pendant lesquelles il connaît quelques années de déclin. C’est cette période qui l’amènera à changer de méthode et donc à se retrouver en situation de « changement », une situation correspondant à la plus haute phase artistique, la « transformation ». Toute sa vie il s’appliquera à consacrer tous ses efforts à l’observation des méthodes anciennes et à l’accomplissement de la réussite à travers l’effort, deux aspects qui ont peu à peu fusionné en un seul concept, lui permettant ainsi d’entrer au final dans la phase de « transformation ».